Les Yeux d’Elsa au siècle d’Aragon
Tour à tour, Louis Aragon et Elsa Triolet se racontent, de leur première rencontre à La Coupole en 1928, jusqu’à la mort d’Elsa dans leur moulin de Saint-Arnould en Yvelines, il y a tout juste quarante ans. La mémoire de l’un venant éclairer celle de l’autre, tous deux se répondent.
Avec la complicité de Karin Müller, Dominique Desanti embarque le lecteur au cœur d’une passion – tout à la fois amoureuse, littéraire et politique – peut-être l’une des plus absolues du XXème siècle.
Le communisme, la Résistance, l’engagement, la vie à deux, la création littéraire, le succès, l’amour, tout est abordé sous la plume caustique et chaleureuse de Dominique Desanti qui a bien connu le couple ambigu auquel elle a consacré une biographie.
Éditions Guéna / Date de parution : septembre 2010
Format : 12cm x 19cm / ISBN: 978-2-918320-06-7
Nombre de pages : 100 / Prix : 14€
Découvrir le premier chapitre (début) :
C’était au bar de La Coupole en Montparnasse. Le 6 novembre 1928. J’ai fait signe à un écrivain que je connaissais et quand il est venu à ma table, je lui ai dit : « Vous êtes en compagnie d’un homme que je voudrais connaître ».
Cet homme, je l’avais aperçu trois ans plus tôt à travers la vitre de la Closerie des Lilas entouré d’amis. Si mince, si brun, si rebelle, semblable à un gitan. Une gaieté froide, presque cruelle, rayonnait de lui. Très beau, trop beau. Genre… professionnel de dancing payé pour faire tournoyer les dames seules.
Je savais des choses sur lui – Montparnasse est un village.
Je savais qu’on parlait beaucoup de nous… En 1917, en pleine guerre – j’étais en quatrième année de médecine – j’ai rencontré un autre étudiant, André Breton. Coup de foudre de l’amitié, plus fréquent que celui de l’amour… Nous étions révoltés, nous voulions changer la société. Et commencer par changer le langage, c’est-à-dire le moyen de communiquer.
Peu après j’ai été affecté à un hôpital d’avant-poste ; j’y ai même gagné une médaille pour mon courage, m’ont-ils dit.
À mon retour, nous avons fondé un groupe. Un journaliste nous baptisa « les Surréalistes ». Nous avons adopté ce nom. Nous désirions faire scandale par nos écrits, mais aussi par nos façons. Par exemple, si un critique d’art publiait un article déplaisant sur nous, nous entrions chez lui en son absence et nous jetions par la fenêtre sa collection de porcelaines anciennes.
Je savais son nom, Louis Aragon. En cet automne de 1928, on parlait beaucoup de sa tentative de suicide à Venise. Pour une Anglaise de Montparnasse, la fille d’un armateur, Nancy Cunard… De lui, j’avais lu – et adoré – Le Paysan de Paris puis Anicet ou le Panaroma, roman. Plus tard, je me plongeais dans Le Libertinage. Ce livre me déplut.
Le 5 novembre, la veille donc de notre première rencontre, Maïakovski, le plus célèbre des poètes soviétiques, l’amant officiel de ma soeur Lili, m’avait raconté qu’on lui avait présenté à La Coupole un poète français, Aragon. Il ajouta : « Dommage que tu n’aies pas été avec moi, tu aurais été l’interprète idéale ». Maïakovski ne savait pas un mot de français. Je n’en avais pas dormi de la nuit. À tout hasard, le lendemain, je suis allée au bar, seule… Et, sourire du destin, j’ai vu Aragon avec cet écrivain que je connaissais.
Ce 6 novembre 1928, je me suis demandée qui j’avais été jusqu’à cette rencontre…
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Elsa’s eyes in Aragon’s century
Each taking turns, Louis Aragon and Elsa Triolet talk about their lives from the time they first met at La Coupole in 1928 until Elsa’s death at the mill that was their home at Saint-Arnould in Yvelines, forty years ago. Their stories complement each other, each throwing light on the other’s recollections.
In partnership with Karin Müller, Dominique Desanti takes the reader into the heart of a passion – amorous, literary and political all at once – a passion that was perhaps one of the most unconditional of the twentieth century.
Communism, the Resistance, commitment, life together as a couple, literary creation, success, love – Dominique Desanti’s warm-hearted but incisive pen tackles all these issues, her account drawing on her knowledge of an elusive couple whom she herself knew well, and whose biography she wrote. (Translation: Dr Derek Allan)
Gli Occhi Di Elsa al tempo di Aragon (inizio)
È stato al bar de La Coupole a Montparnasse. Il 6 novembre 1928. Ho fatto segno a uno scrittore che conoscevo e quando è venuto al mio tavolo gli ho detto: «vorrei conoscere l’uomo che è con lei».
Quell’uomo lo avevo intravisto tre anni prima attraverso i vetri della Closerie des Lilas, circondato da amici. Magro, bruno, indocile – sembrava uno zingaro. Da lui emanava un’allegria fredda, quasi crudele. Troppo bello, troppo bello. Del tipo entraineur di dancing pagato per far girare la testa alle signore sole.
Sapevo delle cose su di lui. Montparnasse è un villaggio.
ARAGON
Sapevo che si parlava parecchio di noi. Nel 1917 in piena guerra, quando ero al quarto anno di medicina, ho incontrato André Breton, studente come me. Un colpo di fulmine d’amicizia – più frequente di quelli d’amore… Eravamo dei ribelli che volevano cambiare la società. Incominciando con il cambiare il linguaggio, vale a dire il modo di comunicare.
Poco tempo dopo sono stato assegnato a un ospedale al fronte: mi hanno dato persino una medaglia. Per il mio coraggio, hanno detto.
Al mio ritorno abbiamo fondato un gruppo. Un giornalista ci ha definito Surrealisti e noi abbiamo adottato quel nome. Volevamo fare scandalo con i nostri scritti, ma anche con le nostre stravaganze. Per esempio, se un critico d’arte pubblicava un articolo sgradevole su di noi, ci introducevamo nella sua casa in sua assenza e gettavamo dalla finestra la sua collezione di porcellane antiche.
ELSA
Conoscevo il suo nome: Louis Aragon. In quell’autunno del 1928 si parlava molto del suo tentativo di suicidio a Venezia. Per via di un’inglese di Montparnasse, Nancy Cunard, figlia di un armatore…
Dei suoi libri avevo letto – e adorato – Il contadino di Parigi, poi Aniceto o il panorama. In seguito mi tuffai ne Il Libertinaggio. Quest’ultimo libro non mi piacque.
Il 5 novembre, dunque alla vigilia del nostro incontro, Majakovskij, il più celebre poeta sovietico e amante ufficiale di mia sorella Lili, mi aveva raccontato che gli avevano presentato a La Coupole un poeta francese: Aragon. Mi disse anche: «Peccato che non eri con me: saresti stata l’interprete ideale». Majakovskij non sapeva una parola di francese. Io non ho dormito per tutta la notte. Per puro caso il giorno dopo sono andata al bar da sola … e, felice destino, ho visto Aragon con quello scrittore che conoscevo.
Quel 6 novembre 1928 mi sono domandata chi ero stata prima di quell’incontro. (traduzione di Mirella Tenderini)
Les Yeux d’Elsa au siècle d’Aragon au Théatre Mouffetard et au Théâtre de la Vieille Grille
Face à face entre Elsa Triolet et Louis Aragon, de leur rencontre à la Coupole en 1928 jusqu’à la mort d’Elsa en 1970. Engagements, amours, souffrances, erreurs…
avec Marie Christine Barrault et Charles Gonzalès
Spectacle enregistré au théâtre Mouffetard le 31 janvier 2011, trois mois avant le décès de Dominique Desanti.
Texte de Dominique Desanti et Karin Müller
La soirée de lancement du livre « Les Yeux d’Elsa au siècle d’Aragon »
Photos de Michel Lunardelli – Galerie Gimpel & Müller, décembre 2010